La semaine dernière, nous avons loué une voiture.
La semaine dernière, avec moult tergiversations, nous avons choisi d’aller visiter Essaouira et Taroudant (en voiture).
Ce que nous ne savions pas, c’est que nous prenions un aller simple pour le rassemblement annuel de tir aux pigeons. Et que nous n’étions pas dans l’équipe des chasseurs…
Jeudi matin, toute à mon excitation à l’idée d’aller traîner les roues le long de la côte nord d’Agadir, vers Essaouira, je réalise l’exploit de me lever à 7h (c’est dire ma motivation).
Dès 8 heures, nous étions dans la Picanto, les cheveux toujours pas au vent puisqu’elle a un toit.
Mais qu’à cela ne tienne….
Une succession de paysages à couper le souffle nous attendait : la côte est extraordinaire, une succession de falaises, plages, dunes dans une lumière blanchâtre (promis j’arrête avec le mot succession)….
Une autre succession à couper le souffle s’en est suivie : celle des contrôles des policiers corrompus de la route (ce coup-ci j’arrête vraiment avec le mot succession).
Et là, le cap’ et son mousse préféré ont vécu une première.
Comprenez moi bien, pour ceux qui ne nous connaissent pas, nous avons des milliers de kms dans les pattes dans des pays comme le Vénézuela, le Mexique, le Brésil, l’Inde, l’Indonésie, la Malaisie, la Tunisie, le Liban….. Tous ces kms ont été effectués par la route, Xavier au volant, sans guide, notre sac à dos dans le coffre. Si je le précise, c’est pas pour me la péter (enfin si un peu quand même, vous me connaissez…) mais pour bien mettre en perspective ce que je vais vous raconter …
Quand on débarque au Maroc, on peut dire qu’on n’est plus en France (Lapalisse sors de ce corps). Une certaine désorganisation ambiante règne, je vous dépeins pas le truc, vous avez compris, enfin si je ne surestime pas trop mon lectorat.
Alors imaginez notre stupeur lorsque nous avons découvert le seul secteur marocain digne d’une organisation à l’allemande : l’extorsion de dirhams aux touristes motorisés.
Premier contrôle :
Nous arrivons à proximité d’un Y, un stop est planté en plein milieu du terre plein, pile entre les deux routes.
Xavier me demande : c’est pour nous le stop?
Moi : euh…. (suis blonde). Bah chais pas, fais comme les voitures devant toi.
Dans le doute, le capitaine de la Picanto a ralenti et, comme les voitures devant nous, est passé sans marquer un arrêt complet.
50m plus loin, un flic est affairé avec un véhicule et deux européens à bord.
Il jette un oeil distrait aux voitures devant nous (celles qui sont passés en ralentissant et sans s’arrêter) avant de nous repérer.
Il lâche l’autre véhicule pour s’avancer vers nous. Xavier ralentit, on n’a pas tout de suite pensé à l’écraser.
Il repère, sur notre parebrise, le sticker mentionnant l’agence qui nous a loué la Picanto. Un petit sourire vient éclairer son visage. Il avance encore et étire son cou pour regarder vers Xavier. Dans le doute (Xavier a les cheveux noirs, est très mat et a une barbe de 2 semaines), il scrute de mon côté. Son sourire s’élargit jusqu’à ses oreilles : pas de doute, il me trouve jolie.
Ou blonde.
Ou européenne.
Il me nous siffle. Nous nous garons devant l’autre véhicule arrêté avec ses deux touristes.
Le temps de terminer ses affaires avec l’autre véhicule, Xav et moi sentons immédiatement l’arnaque, surtout que le flic n’arrive plus à décrocher son large sourire de son visage.
Le flic s’avance vers nous. Il est hilare. Je vous jure, il n’arrive pas à trouver les 3 mots de français qu’il maîtrise pour nous expliquer dans quel merdier on vient de se fourrer.
Voyant qu’on ne comprend rien à ce qu’il dit, il interpelle le précédent véhicule qui s’apprêtait à partir.
Il cause quelques minutes avec eux, toujours hilare. Les deux touristes sortent du véhicule et s’avancent vers nous. Mais c’est quoi cette arnaque?
Les 2 touristes engagent la conversation avec nous. Nous répondons très froidement. C’est quoi cette p….. d’arnaque?
Un des français engage la conversation en arabe avec le flic.
Puis il se retourne vers nous : «bon voilà, griller un stop c’est 700 dirhams (70 euros), alors donnez lui discrètement 100 dirhams pour qu’il aille jouer ailleurs et c’est bon, c’est ce qu’on vient de faire.»
Alors là, on est estomaqué tellement c’est énorme :
- quel stop? Rien n’indique que le stop est pour nous …
- pourquoi les autres voitures n’ont-elles pas été arrêtées aussi?
- pourquoi est ce que tu participes au manège de ce flic corrompu en lui facilitant la tâche en nous traduisant sa demande?
- Et ton copain, pourquoi rigole-t-il aussi fort que le flic? Il trouve ça super, c’est le folklore local, l’aventure au coin de la rue, le truc qu’il pourra raconter aux collègues lundi autour de la machine à café? Comment c’est l’aventure le Maroc, il a vécu une vraie expérience, il s’est fait racketté (à côté un trek en Afghanistan c’est pour les débutants), super trop méga cool non? Peut être même que ça impressionnera la stagiaire qu’il drague depuis deux mois, qui sait… Non la vérité, explique voir pourquoi tu ris?
Le flic n’en peut plus de rire. A ce stade, je le comprends.
Xavier argumente un peu.
Puis en désespoir de cause, il tend ostensiblement 100 dirhams au flic.
Le flic : «c’est pour moi monsieur?»
Non, c’est pour les orphelins de la police….
Xavier : «Oui, on m’a dit que je devais vous les donner».
Le flic, un peu mal à l’aise, arrête de rigoler mais empoche le billet.
Deuxième contrôle : Essaouira
Après s’être fait racketter par un gardien de parking qui avait décidé d’appliquer les tarifs parisiens pour garder les voitures des touristes, s’être fait insulté par un gars car on a refusé poliment qu’il nous guide dans la ville, on s’est fait en plus refaire le même coup du stop caché derrière un arbre et du flic caché derrière le stop caché derrière l’arbre.
Bis repetitat placent.
Le flic nous dit que c’est 700 dirhams avec un reçu.
Fini, on veut pas cautionner le bakshish. On ne lui demande pas ses tarifs sans reçu.
Au bout de 30 mn, temps nécessaire pour un flic pour remplir les 3 lignes du PV, on le paie.
Avant de partir, après avoir bouclé nos ceintures, il nous interpelle : «non, non, les ceintures c’est pas la peine de les mettre, c’est pas dangereux. Par contre les stops c’est dangereux.»
Dangereux pour qui? Pour les portefeuilles des touristes?
Et si la ceinture c’est pas dangereux, alors pourquoi vous les constructeurs auto passez autant de temps à travailler sur la sécurité des occupants des véhicules, hein? Arrêtez tout ça vous ferez des économies, c’est pas la peine, c’est le flic marocain corrompu qui l’a dit : la ceinture c’est pas dangereux! (on sent bien mon immense déception de cette journée à Essaouira là?)
Alors voilà, 15 ans sur les routes de nombreux pays, rien à redire.
Deux jours à Essaouira, c’est le souk.
Alors quoi?
On y a réfléchi.
Et à la réflexion, on n’est pas trop familier des coins touristiques, quel que soit le pays visité.
Essaouira, c’était peut-être pas pour nous, ou alors on est très mal tombé (vieille lune, mauvais karma), qui sait (ou on est antipathique, oh non, pas possible…)…
La prochaine fois on revient à nos premiers amours, la balade hors des sentiers battus, sans but précis, on prend un petit chemin et on le suit. Enfin, on vérifiera simplement qu’il ne mène pas à Essaouira.