On va transformer Namasté.
De son statut de voilier de plaisance, il va désormais accéder au statut suprême de chalut (oups, de «navire» me dit le capitaine qui regarde par dessus mon épaule).
Vous ne comprenez rien à ce que je raconte, c’est normal, j’ai commencé mon article par la conclusion.
C’est un genre, un parti pris stylistique.
C’est comme dans Columbo où vous connaissiez le coupable dès les premières minutes du feuilleton. Ca ne vous empêchait pas de regarder jusqu’à la fin?
Feu Namasté, avant sa transformation en chalut.
Attention, le texte qui va suivre peut heurter la sensibilité de nos lecteurs qui nous connaissaient alors que nous étions deux bobo parisiens.
Ci dessus c’est nous avant. Enfin il y a presque 10 ans quand même……
Xavier était aussi blanc que moi, j’étais aussi grande que lui, trichant quotidiennement sur 10 cm de talons, et la vie était déjà assez fun….
(Un grand coucou à mon amie de 30 ans qui a pris la photo du milieu)
Voilà, vous êtes prévenus.
Vous savez que Xavier pêche.
Ni par action ni par omission.
Il pêche du poisson (gros, c’est encore lui qui me le souffle par dessus mon épaule).
En 2 ans de navigation, il a vaillamment remonté 3 thons de 5 à 10 kgs (à la ligne).
Un peu plus d’un par an, pas plus. On vote écolo, alors ne veut pas contrarier Eva et Dany en vidant les mers de leurs poissons (la vérité on a surtout peur de Greenpeace, je les ai vu en action à Pantelleria et j’ai vraiment flippé – c’est vrai).
On est des gens cohérents.
Ils sont en photo dans le cockpit (les thons), enfin sur l’ordi, faut pas pousser quand même. Un peu de plus on gardait les queues pour les pendre à côté : les trophées du capitaine.
Et puis il y a eu la révélation : la découverte de la pêche au harpon.
Il y a eu le rite initiatique : le baptême de la combinaison de plongée camouflage dans les eaux grecques avec le parrain Giorgio.
Et puis j’ai acheté de l’huile. Des hectolitres. Pour la friture. La friture des schroumfs qu’il ramenait à bord (je me lâche car il ne regarde plus par dessus mon épaule, pour la 38ème fois de la journée il est parti compter ses hameçons).
Et un jour on a eu droit à des vrais poissons qui pesaient plus de 100g.
On était aussi heureux que des esquimaux qui auraient découvert des Häagen Dazs.
Si vous trouvez le poisson caché sur la photo de droite vous gagnez une glace..
Et sans que je m’en aperçoive vraiment, Xavier s’est transformé.
La chenille est devenue un dauphin.
Ou alors le poisson rouge est devenu un papillon.
Vous choisissez.
Vous savez combien il a référencé de sites de pêche dans ses bookmarks?
Vous savez combien de forums de pêche il fréquente?
Vous savez dans combien de magasins de pêche il m’a traînée?
Bon j’ai pas le compte exact mais le total fait plus de 643.
Il me parle pêche au petit déjeuner, parfois même avant mon café, ce qui est normalement formellement interdit.
Il me parle pêche le midi, à 15h, à 17h, à 20h, tout le temps, tous les jours.
La reine des lieux va se transformer en poisson rouge.
Elle est toujours ravie d’avoir des invités à bord qui peuvent partager sa misère : eux ont en plus droit au déballage de l’attirail de pêche, un peu comme ma copine N. qui me déballe ses barbies (mais elle a 7 ans). Si les invités s’émeuvent devant la (grande) taille des hameçons, Xavier s’indigne : il n’est pas là pour pêcher des petits poissons de moins de 10 kgs. Il les laisse aux amateurs. J’ai des témoins sur le ponton (euh tu témoigneras Gwendal? Touline?).
Et si pour mon malheur les invités sont des pêcheurs émérites, zyva pour les conseils et rebelote traînage de savates dans les magasins de pêche.
Je vais me transformer en sardine.
C’est pas compliqué, il y a 3 jours, Xavier a rencontré son alter ego. Ils ont déballé tout leur matos, il y en avait partout. Xavier avait les yeux qui brillaient devant les rappalats du copain et les kms de bobines de fil… et moi j’étais juste effarée tout en jouant avec Touline, le chaton deGwendal, sur le ponton. Voyez la scène….
Il faut savoir quand même qu’il existe des leurres qui «sifflent», des poulpes, des sardines et ce de toutes les couleurs (et même avec des plumes….)
Parce que franchement imaginez la scène : le poisson, que repère-t-il en premier? Le bateau de 12 m ou le leurre de 5 cm vert? votre avis? Non vraiment après avoir vu la coque, il va se soucier de savoir si le leurre est vert, rouge ou jaune? «Tiens aujourd’hui je me ferai bien un petit poulpe rouge, oh ben zut il n’y a que des bleus, je me casse»….
Mais il y a des jours où on atteint des sommets.
Comme avant-hier.
J’étais plongée dans un article de fond sur le retour de Johnny sur scène (sujet plus approprié pour les dîners mondains que les rappalats).
Je sais que c’est de saison mais s’il vous plaît, avant de vous gausser comme des dindes essayez de répondre aux questions suivantes :
1- Finalement quelle est la nationalité acquise par Johnny pour réduire sa facture d’impôts en France?
2 – Pourquoi remonte-t-il sur scène?
- -Ses fans lui manquent
- -Il n’a plus de sous
3 – Quel est le montage financier qui lui permet d’échapper aux impôts?
Les deux premières c’est fastoche. Mais franchement la pour la 3ème si vous n’avez pas bac+18 en finance vous n’y comprendrez rien.
Bon l’article ne traitait pas du sujet mais il aurait pu.
Bref, ce n’est pas le sujet.
J’étais hautement concentrée car déchiffrer les paroles de Johnny ou de sa femme dans leur français deuxième langue relève du défi, mais que ne suis-je pas prête à endurer pour briller dans les dîners en ville.
C’est là que Xavier s’est mis à gigoter.
Sentant qu’il allait remettre la pêche sur le tapis, j’ai pris ma tête entre mes mains pour lui signifier ma haute concentration.
Sachez que ce geste n’arrêtera point un pêcheur si il a décidé de vous parler hameçons.
A ce sujet, saviez vous que l’espadon se pêche au trident? Vous lui présentez un «mono dent» il tourne les talons et s’en va, par contre le trident c’est son truc, il mord. Je me fais peur avec tout ce que je connais sur ce sujet….
Xavier «J’ai trouvé un super ebook sur la pêche!»
Moi : «Super, t’as qu’à la lire.»
Xavier : «C’est fait par les autorités françaises à destination des pêcheurs polynésiens, pour développer leur petite entreprise.»
Moi : «C’est génial, lis-le!»
Xavier : «Bon c’est un peu genre Tintin au Congo où comment apprendre à pêcher au gentil sauvage.»
Moi : «Extra, lis le tu vas tout comprendre.»
Xavier, même pas vexé : «Tu sais qu’on peut faire un moulinet avec 4 planches de bois?»
Moi : «Bien sur j’ai appris ça en cours de danse classique…. bah t’as qu’à lire, tu me raconteras»
Xavier : «Et on va économiser plein de sous car on peut tout fabriquer soi même au lieu de dépenser des fortunes en rappalat et autre…»
Moi : «Trop méga cool, tu devrais lire maintenant.»
Xavier : «Il y a même la méthode pour faire du thon qualité sashimi.»
Moi : «Super, on n’a plus qu’à trouver un accord avec chronopost pour envoyer le thon au Japon.»
Bref, à la fin de la conversation, on avait économisé virtuellement 10 euros sur le matos de pêche et dépensé 600 pour s’équiper d’un congélateur.
Car en plus de faire du thon de qualité sashimi on respecte la chaîne du froid, nous.
Je n’ai jamais fini mon article.
Xavier a encore parlé une heure.
Toute tentative de changement de sujet fut vaillamment rejetée par le pêcheur.
Toute tentative de fuite me fut impossible, Xavier étant tanké devant l’entrée du bateau.
Cependant, il eut sa petite vengeance. Au milieu du montage de son business plan "transformation de Namasté en chalut", il m'a montré des photos de pêche sportive.
OK, c'est autre chose que celle de Xavier qui pose à côté de son poisson. C'est même beau. Etrange qu'il n'y ait pas ou peu d'expos sur ce thème.
La reine des lieux a bien compris qu'il faudrait progresser artistiquement pour bien mettre en valeur les futures prises du capitaine avant qu'elle ne soient timbrées pour partir au Japon….
Demain le capitaine ira acheter le matos qui permet d’économiser sur un autre matos que t’achèteras pas grâce au premier matos que t’as acheté.
C’est pas clair? Normal, ma mutation en sardine a commencé. Je vais plonger dans l'hectolitre d'huile de friture qu'il me reste.
La prochaine fois je vous raconterai l'histoire passionnante de comment on fait des leurres avec des guirlandes de Noël ainsi que du débouché trouvé pour les peaux. En gros ce sera la suite du business plan.
Aura-t-on besoin de business angels? Bah faut voir.
Récapitulons : il nous faut des guirlandes, des planches de bois, des enveloppes timbrées pour envoyer le thon qualité sashimi au Japon.
Bon ben non, ça devrait aller. On ira sur le chantier pour le bois, on récupérera les guirlandes dans le restau français de la marina après Noël et on ira à la poste pour les enveloppes. C’est bon.
La vérité j'en ai vu des comportements particuliers dans ma vie, seulement je ne savais pas que Xavier et moi y succomberions à notre tour…. A croire qu’on avait de sérieuses prédispositions!
Et vous savez le pire de tout?
Ben le pire de tout c’est que ça nous amuse….
Franchement, une décennie et demie d’études supérieures à eux deux pour finir comme ça (pardon à la famille)?
Mais que va-t-on en faire? Des champions de air guitar?
(et un dernier coucou à Nathalie, ma collègue de pole dancing de la soirée, qui a pris cette photo – on remet ça en Martinique?)
Voilà, c’est fini.